les histoires traversent les livres comme elles traversent les nuits
elles nous rendent insomniaques en s'écrivant à la vitesse de la lumière
même quand la lumière en est absente
puis vient le matin, dépot de feu froid,
comme lorsqu'on referme le livre et son épilogue inutile
où tout est dit une bonne fois
pour toutes
qu'on les invente soi même ou que d'autres nous les offrent
les histoires tournent en boucles dérisoires
ce que nous ne savons faire de nos vies
elles dessinent des lignes de fuite qu'on osera jamais emprunter
des phrases qu'on n'osera pas prendre au mot
parce qu'elles ont été, elles aussi, refroidies dans l'air du temps
au moment où l'on sait que cet imaginaire
n'est qu'un potentiel vide de toute exécution,
quelque chose se détache et donne envie de jeter le livre,
de masquer la dernière page sans connaitre la fin,
ou de se lever enfin, sans vouloir plus dormir
je ne veux pas d'une écriture qui se substitue à la vie
d'histoires qui poussent leur tête hors de mon corps
comme des enfants morts nés
je ne veux pas de romanesque
d'inquiétudes piégées par des mensonges captifs
qui nous regardent en ricanant
de ces personnages habillés de lettres
qui nous détournent du chemin
mais peut être...
d'une écriture sans histoire
qui par bonheur ne raconte rien
je ferai une paire de chaussures
un sac ou un bâton
pour marcher plus longtemps ?